Analyse musicale de la Ballade pour Adeline

Un beau jour, il y a environ deux semaines de cela, je m'empressai d'acheter quelques pommes de terre et poireaux dans une épicerie de mon quartier, afin de concocter les dernières soupes de ce long et vigoureux hiver. Dans le brouhaha du magasin, je pris un soin méticuleux de choisir les légumes les plus frais quand soudain je fus pris de stupeur: des êtres dépourvus de scrupule ont entrepris, pour accompagner mon achat dans un environnement sonore bien particulier, et de manière anonyme afin d'éviter quelques représailles, de diffuser la Ballade pour Adeline de Richard Clayderman.



Pourtant préoccupé en ce moment par de grands auteurs (Mahler, Ravel, Ligeti), je ne pouvais pas laisser passer cela: il est de mon devoir de contribuer à la promotion de cette exceptionnelle musique d'ascenseur, en montrant qu'elle accompagne magnifiquement l'achat de patates, de poireaux ou de tout autre article alimentaire et ménager, ou l'ascension d'un bulledingue en ascenseur. Car je crains hélas que des millions de personnes ont commis l'irréparable méprise de l'écouter en concert ou en salon, et je ne veux plus que ça se reproduise. Non, jamais plus...

Voici le thème principal de ce chef d'oeuvre composé par Paul de Senneville dans sa version répétée: c'est la deuxième phrase musicale, qui est une simple répétition de la première, avec en plus répétitions de notes, comme pour insister (je devrais plutôt parler de double-notes puisque chaque note est doublée d'une sixte au-dessous). Mais insister sur quoi, d'ailleurs? 



Quel est l'intérêt de répéter un note sept fois de suite quand la mélodie est pauvre? Clayderman et Senneville ont probablement eu peur que les auditeurs ne l'entendent pas suffisamment bien. D'ailleurs, dans le clip on voit le pianiste regarder la caméra comme s'il regardait le spectateur (trice) droit dans les yeux avec un air vaguement mièvre et l'air de dire: tu l'as bien entendu, ma note, hein? Hmmm, c'est bon ça...attends un peu, je vais te la rejouer encore huit fois de suite une octave au-dessus après un arpège fulgurant qui te soulèvera le coeur comme sur un bateau de pêche qui n'aurait pas servi depuis des mois...
Enfin...ce sont des suppositions. Il y a un deuxième mystère qui reste à élucider: comment ce pianiste arrive-t-il à faire sonner son piano comme si c'était un piano électrique? Par quel moyen un jeune pianiste des années 70 ayant fait des études au CNSM est finalement parvenu à avoir un son pareil? Même mon son de piano sur Garage band (voir les vidéos d'exemples ci-dessus et ci-dessous) sonne presque aussi bien.
Mais ce n'est pas tout: attention, dans ce magnifique thème se trouve...
LA NOTE LA PLUS POURRIE DE TOUTE L'HISTOIRE DE LA MUSIQUE!

Il s'agit de l'avant-dernière note de la phrase (immédiatement après les dernières répétitions imbéciles de notes). On ne peut pas savoir ce qu'elle vient faire là, c'est là aussi un grand mystère.

Il parait évident que Senneville ne sait pas écrire de la musique. Je ne parle pas des quintes parallèles qui feraient bondir nos chers professeurs d'harmonie au conservatoire, car pour ma part ça ne me dérange pas trop. Le pire, c'est plutôt les deux choses que je viens d'évoquer, la note pourrie et les répétitions. C'est pourtant simple d'éviter la répétition moche de notes en trouvant une mélodie correcte. Voici des exemples que j'ai pondu rapidement, et ces exemples auraient très bien pu être écrits par n'importe quel étudiant en écriture musicale ou en composition, ou bien n'importe quel compositeur de musiques populaires, jazz ou de musique de film qui aurait un minimum de talent:




Oups...j'ai laissé la note pourrie dans celle-là. La prochaine variante que voici que voilà est aussi potable quoiqu'un peu bavarde:




Et à présent une variante dodécaphonique sérielle:

Notez bien que j'ai du tricher un peu avec le thème de Senneville pour respecter ma série de douze sons, qui est là sans doute la série la plus naze de l'histoire de la musique sérielle, mais l'essentiel c'est que je ne me sois pas trop foulé...

Ou bien encore cette variante champêtre:



Bref...on peut faire plein de choses, mais par pitié pas cette imbécile répétition de notes suivie d'une autre note dont on ne sait ce qu'elle vient faire là, ça devient très vite insupportable à entendre, et j'aime choisir mes patates et mes poireaux dans le calme.

En conclusion, cette musique ne convient pas non plus à accompagner l'achat de légumes ou de produits de consommation courante, après mûres réflexions.

Avant de revenir à des choses plus sérieuses, j'aimerais vous montrer ce jeune garçon qui a composé la Marche VRAIMENT à la turque, sur le Rondo à la turque de Mozart. Il faut bien dire que ce rondo, l'ayant trop souvent entendu par des élèves qui ne veulent jouer que ça (en plus de la Lettre à Élise) fait partie d'une des plus belles sonates pour piano de Mozart. Etienne Venier commence à citer Mozart pendant la première minute, ensuite il fait une transition vers une variante vraiment rigolote.










Commentaires

  1. Jua jua jua. Des barres de rire. Merci Simon pour cette séance d'abdo. Enorme!
    Encore!!!

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