L'enfance en chansons (chez Leprest notamment)

Je ne parlerai pas ici de chansons d'enfants, ceux-ci pourront faire l'objet d'un autre article. Non...Je ne me limiterai ici qu'aux chansons francophones qui ont pour thème l'enfance.

La meilleure façon pour les auteurs de chansons d'exploiter le sujet, c'est évidemment d'évoquer leurs propres souvenirs. Leurs textes sont émaillés d'images et de sensations très familières, de choses simples de l'existence, auxquelles les auditeurs peuvent souvent s'identifier. Pour Léo Ferré, ce sont les souvenirs très simples des souliers usés, des copains, des frangines, du tableau noir, de la toupie qui tourne...
 

Allain Leprest pour sa part a vécu à Mont-Saint-Aignan, près de Rouen. La chanson éponyme accumule les souvenirs dans un délicieux inventaire (sans raton laveur):
J'ai laissé un sac de billes noires
Le grincement gris d'une armoire
Un camion d'pompiers, une Rolls Royce
Un car de police Dinky Toys
Une tartine de compote d'oranges
Tombée du côté où ça s'mange
Toutes les tartines du monde entier
Tombent toujours du mauvais côté
[......]

La poésie de l'enfance est construite ici autour de choses simples, particulières et concrètes qui se parent d'un parfum de douce nostalgie et de légèreté. 
Passons à présent du concret à l'abstrait, du particulier au général: il est tentant pour certains auteurs de laisser leur biographie de côté pour chanter l'enfance dans ce qu'elle possède d'universel. Dans les textes de Jacques Brel on peut souvent voir s'animer des personnages plus ou moins caricaturaux, cocasses ou attachants, dont lui-même en fait quelques fois partie. Il n'en est rien ici: Fils de...est un hymne vibrant à l'enfance. Avec une admiration chaleureuse et joyeuse il entonnait fougueusement: Fils de César ou fils de rien, tous les enfants sont comme le tien. 
C'est à peu près le même message qu'Allain Leprest (parolier) et Romain Didier (compositeur, et ici interprète) livrent dans Étrangement:
Sinon on peut comme Benjamin Biolay essayer de refourguer nos malheurs et nos névroses à nos enfants: dans la prochaine chanson ce jeune-vieux compositeur imagine son enfant comme son fidèle reflet, c'est-à-dire un être imprégné de mélancolie. Il me semble que vouloir calquer notre personnalité, nos désirs et nos frustrations sur nos enfants, est un piège bien connu que nous devons éviter. Cela ne semble pas être de son avis, ce n'est pas sa logique. Sa logique est celle du vampire. Mais n'allons pas jusqu'à lui reprocher la manière dont il élève ses enfants (avec un peu de chance il doit être un bon père). Ce faux poète antipathique profère entre autres fadaises: 
Si tu pries quand la nuit tombe
Mon enfant, mon enfant
Si tu ne fleuris pas les tombes
Mais chéris les absents
Si tu as peur de la bombe
Et du ciel trop grand
Si tu parles à ton ombre
De temps en temps

Moi, si j'étais son enfant je ne me sentirais pas épanoui à l'écoute de cette chanson-confidence...

Je ne parlerai pas (en fait, si...) de ses piètres qualités de chanteurs: quand un vers contient plusieurs consonnes fricatives, on peine à comprendre. On dirait que ses lèvres restent engluées au micro. 
Quand on veut maltraiter l'enfance, autant le faire avec humour:
Mais plus sérieusement, Leprest dénonce les erreurs des adultes et les manquements de notre société qui s'avèrent néfastes à l'accomplissement des potentiels et des rêves enfantins: C'est peut-être... sur une musique de Richard Galliano.
 

Loin d'une mélancolie qu'on voudrait imposer aux enfants, on pourrait plutôt s'intéresser à leur propre mélancolie et à leurs problèmes: dans le très beau conte musical Pantin Pantine des mêmes Romain Didier et Allain Leprest, il est question de deuil, d'amitié, d'amour, d'adieux, de conflits et de réconciliation. Il est étonnant de voir à quel point la mort y est abordée très naturellement, sereinement, sans tabou ni angoisse.
Vous croirez peut-être qu'en matière de chanson française, je ne jure que par Leprest/Didier...et bien oui. Parce qu'on retrouve dans leur oeuvre à la fois le sens de la poésie populaire et celui de la belle mélodie qui caractérisent la tradition de la chanson dont font partie Brel, Brassens, Ferré, Piaf, Barbara etc. C'est pourquoi je vous recommande chaleureusement d'écouter notamment le merveilleux concert d'Allain Leprest à l'Olympia disponible sur Youtube.

Enfin, pour boucler la boucle revenons aux chanteurs qui chantent leur enfance: non pas seulement dans la nostalgie des choses délicieuses et simples, mais surtout dans un sentiment plus trouble et complexe, douloureux. La chanson de Barbara Mon enfance est poignante de ce point de vue.


Et la chanson de Brel qui porte le même titre:

















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